Le KYŪDŌ
Arc et flèche trouvent leur origine dans des temps très anciens. L’histoire de l’arc, c’est l’histoire même du monde. L’invention du tir à l’arc n’est pas l’apanage d’un seul peuple et son évolution a suivi des voies assez différentes. C’est le cas notamment du caractère symbolique attribué à l’arc par bien des peuples.
L’ARC SYMBOLE
Dans le cours de l’histoire, l’arc et la flèche se parent de valeurs symboliques. Environ six siècles avant notre ère, l’image du premier empereur du japon, Jinmu Tenno, portant l’arc dans sa main, est probablement la première représentation symbolique utilisée par le peuple japonais.
C’est au 12ème siècle à partir de la guerre de Zenkunen, que l’arc commence à se personnifier.
Après avoir employé l’arc victorieusement dans les batailles, le samurai Minamoto no Yoshié a offert son arc à l’empereur qui était très malade. L’arc représenta alors le symbole du succès dans la guerre. Depuis cette époque, avec la naissance de cette idée issue de l’éthique du samurai, l’arc se pare de vertu. Ainsi l’arc et la flèche sont-ils personnifiés.
L’ARC OU LE CHEMIN DE VERITE
KYU, de l’arc et DO, la voie, le Kyudo : du corps considéré comme instrument qui se choisit des prolongements dans la flèche, fait que cette discipline se veut sans originalité, être la voie de l’harmonie. Harmonie qui devra d’abord s’inscrire dans les réflexes quotidiens de l’adepte.
La pratique de l’arc, devient l’art de parvenir à une certaine plénitude. Une plénitude qui permet de gommer, les insignifiantes querelles qui jalonnent une existence et la parasitent.
Pour celui qui tire à l’arc, une sorte d’osmose finit par naître au fur et à mesure de cette longue pratique, il finit par se fondre avec cet objet neutre qui devient le reflet de sa propre personnalité. Par extension, on pourrait qualifier l’arc, d’arme de vérité.
LES MILLES CHEMINS
Perplexité, peur, doute, – mayoï, osoré, utagau- trois sentiments, trois états qui sont psychologiques et profondément ancrés dans l’être humain.
La longue pratique régulière du Kyudo permettra d’évacuer doucement ces trois réactions.
Il faut garder à l’esprit que pour le japonais, la sensation prime sur toute analyse.
Nous sommes à la recherche d’un accord de tout l’être, mais nous ne poursuivons pas les raisons qui permettraient cet accord.
Pour parvenir au sommet du mont Fuji, il existe – dit l’enseignement traditionnel – mille chemins différents. A chacun de savoir choisir le sien.
La voie de l’arc s’efforce d’abord de tracer la voie des multiples possibilités qu’offre précisément l’enseignement issu de la tradition ; ensuite, si l’on s’efforce de déchiffrer le contenu d’une pédagogie qui, de prime abord, peut déconcerter l’occidental, le Kyudo amène à la découverte de soi-même, en passant par le geste le plus banal pour parvenir à se sublimer.
Il peut paraître étonnant que le tissu philosophique du Kyudo ait un rapport avec le mouvement, mais, qui a jamais dit que la dynamique était un principe antinomique à la philosophie.
LA CONCEPTION DE L’ARC
Fait de bambou et de bois précieux, l’arc japonais est une véritable œuvre d’art, fabriqué par des artisans dont les secrets de fabrication sont jalousement gardés et transmis de père en fils.
Il existe trois sortes d’arc, variant dans la longueur, suivant l’archer. Le maître artisan met lui-même ses arcs en forme selon le rite Shintoiste. Il le fait seul, passant une nuit entière à donner naissance à la courbure élégante, précise et compliquée de l’arc. La puissance de l’arc varie suivant celui qui va l’employer.
Il en est de même de la flèche, faite dans un bambou bien particulier, qu’on ne trouve pas dans toutes les régions, elle s’agrémente de plumes naturelles qui deviennent de plus en plus rares actuellement. Pour les jeunes et les débutants, le monde moderne a créé, la fibre de verre pour l’arc, et le carbone pour la flèche. Moins fragile et aussi moins onéreux, mais non traditionnel.
LA TENUE
Le kyudo se pratique sur plancher, celui-ci doit être propre et lisse, la rigueur est de mise avec la tenue, l’environnement ainsi que le respect de l’étiquette propre au Budo, vis à vis du matériel et de la politesse avec les autres.
Pour le débutant, une veste légère, blanche à manches demi-longues (Kyudogi), un Hakama noir et des tabis (socques) blancs, la tenue doit être toujours impeccable.
L’aîné pourra porter le kimono, toujours dans une couleur neutre, seules les femmes pourront avoir un peu de fantaisie. Le port des bijoux et grigris est absolument exclus. La discipline qui a des rapports avec le zen, on dit ritsu zen (zen debout), doit rester dans la simplicité.
LA PRATIQUE
L’une des caractéristiques fondamentales du tir à l’arc japonais réside dans le fait que la cible n’est pas le but principal. C’est un travail sur soi même pour rechercher la beauté du tir et du geste par la perfection de la technique et au travers d’une approche de la sincérité dans les relations, premières esquisses de l’harmonie et de la vérité.
Cette valeur ajoutée, dans une discipline qui conserve quoi qu’il en soit son caractère ludique et sportif, attire aussi bien les jeunes que les adultes.
Sur le plan physique, tout le monde peut pratiquer, homme ou femme, adolescent ou adulte.
Un tir bien fait ne doit pas nécessiter d’efforts dépassant les capacités de chacun, il n’est donc pas important d’être une force de la nature pour pratiquer la discipline. (La puissance de la flèche dépend beaucoup de la légèreté du tir).
C’est pour ces raisons que l’on rencontre des personnes fort âgées qui pratiquent le Kyudo avec un bonheur évident et très rares sont les contre-indications médicales.
Ainsi il n’y a pas d’âge limite ni pour débuter ni pour continuer à pratiquer.
Le Lieu
Le kyūdō se pratique dans un lieu nommé dojo. Celui destiné au kyūdō, le kyūdōjō, est constitué de différentes parties qui sont propres :
Le shajō, lieu où les archers évoluent, est généralement un bâtiment ouvert sur la ciblerie. Le sol est en parquet de bois dur et poli pour permettre le déplacement des archers (déchaussé), le plafond est assez haut pour l’utilisation de l’arc. C’est un espace très structuré où chacun connaît sa place. Certaines zones sont réservées, telles que le joza et le sadamenoza. Cette organisation hiérarchique de l’espace est traditionnelle, elle reproduit la même organisation que dans les espaces japonais : dojo d’arts martiaux, l’habitation, le pavillon de thé, les temples…
Le yamichi, l’espace libre entre l’aire de tir et la ciblerie. Il est longé latéralement par le yatorimichi, chemin pour aller ramasser les flèches.
- L’azuchi, ciblerie, permet de positionner les cibles à 28 mètres de la ligne de tir. La cible mato de 36 cm de diamètre inclinée à 5°, est positionnée à 9 cm du sol et fichée dans une bute de sable mouillé à forte pente (20°).
Le kyūdō est également pratiqué à courte distance pour l’initiation et l’entraînement, à une longueur d’arc d’une cible de paille appelée makiwara (paille roulée). Il existe un sharei demandant un tir sur un makiwara pour les pratiquants les plus avancés, si bien qu’après avoir étudié une vie, on se retrouve à faire un exercice similaire à celui des débutants…
Au Japon, les dojos sont soit municipaux, soit situés dans le cadre scolaire. Le monde occidental n’en compte que quelques-uns construits de manière traditionnelle où la pratique prend une saveur incomparable.
En France, le Kyudojo Fédéral de Noisiel dépendant de La Fédération de Kyudo Traditionnel, de la Ligue Ile de France de La Fédération de Kyudo Traditionnel, de l’Association Kyudo Val Maubuée ainsi que de la mairie de Noisiel est le premier Kyudojo public en France. Construit sur le modèle des dojos Japonais il comporte deux bâtiments; l’un accueillant les archers et le second la ciblerie située à 28 m.